Marc Schwartz, le PDG de la Monnaie de Paris, en septembre 2021.
Marc Schwartz, le PDG de la Monnaie de Paris, en septembre 2021. © Stéphane de Sakutin / AFP

La Monnaie de Paris, l'organisme chargé de frapper les euros en France, est à l'origine d'une grosse bourde qui a conduit à la destruction de millions de pièces et va coûter entre 700 000 et 1,2 million d'euros au budget de l'établissement public.

Son PDG, Marc Schwartz, a en effet donné, en novembre, l'ordre de faire frapper 27 millions de pièces de 10, 20 et 50 centimes d'euros affichant un nouveau design, sans attendre la validation préalable, pourtant obligatoire, de la Commission européenne.

Un PDG très… politique

Selon les informations de La Lettre, le patron de la Monnaie de Paris voulait que les nouvelles pièces puissent être présentées le 7 décembre au ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, à l'occasion d'un déplacement au siège de la Monnaie de Paris, quai de Conti. Des invitations avaient même été envoyées.

Pour satisfaire la demande de leur impatient PDG, les ouvriers de la Monnaie de Paris ont fait les "trois-huit", quatre jours d'affilée fin novembre, pour pouvoir faire briller l'institution le jour dit. Marc Schwartz avait tout prévu… sauf les sept jours réglementaires d'attente pour obtenir le retour de la DG ECFIN (affaires économiques et financières) de la Commission européenne, qui a la haute main sur la validation des pièces et billets en euros.

Le holà de la Commission

Catastrophe à quelques jours de la présentation ministérielle : vendredi 1er décembre, le nouveau design français était retoqué par l'Europe. En cause : des étoiles peu lisibles sur la face représentant le continent européen. Un affront impardonnable s'agissant du symbole de l'Union européenne !

À la Monnaie de Paris, il a donc fallu détruire les tonnes de centimes non compatibles, puis refrapper 27 millions de pièces en urgence. Contacté, Marc Schwartz évoque pudiquement un report indépendant de sa volonté, renvoyant la responsabilité de cette lourde faute de frappe à "l'État français". Une formule générale pour désigner le ministère des finances et de l'économie.

Bercy, de son côté, annonce une évaluation pour faire la lumière sur cette bévue, tentant de minimiser l'impact de ces millions de pièces… qui représentent tout de même 4 % de la production annuelle de la Monnaie de Paris.

Marc Schwartz prévoit déjà l'organisation d'un événement pour présenter ses sous neufs et corrigés, en présence du futur ministre des finances. Une fois le remaniement passé.

Droit de réponse de la Monnaie de Paris du 27/01/24 : "Votre article intitulé " La gaffe sur les centimes qui va coûter un million d'euros à la Monnaie de Paris " omet des faits essentiels qui doivent être portés à la connaissance de vos lecteurs. La Monnaie de Paris frappe environ 1,4 milliard de pièces par an, pour la plus grande satisfaction de ses clients, contrairement à ce que suggère l'article. Est en cause ici un lot de pièces qui représente moins de 2 % de sa production 2023, et non 4 % comme vous l'affirmez. Pour ce lot de pièces, la Monnaie de Paris avait sollicité les autorisations réglementaires habituelles, en transmettant un projet de dessin en septembre 2023, conformément aux procédures en vigueur. La Commission européenne a fait part informellement de ses réserves sur ces dessins début décembre, car elle considérait que les douze étoiles du drapeau européen n'étaient pas assez visibles. Or compte tenu de délais de production incompressibles, La Monnaie de Paris avait dû initier entre-temps la production desdites pièces afin d'en assurer la diffusion début 2024, conformément à ce qui avait été annoncé. Il s'agissait également de permettre la commercialisation en décembre des versions numismatiques, toujours attendues des collectionneurs à cette date. La difficulté apparue a pu être réglée très rapidement, puisqu'en moins de 72 heures La Monnaie de Paris a été en mesure de proposer une nouvelle version de la pièce, dont le dessin a été validé dans la foulée par la Commission européenne et les États membres. Ces nouvelles pièces sont d'ores et déjà en cours de production. Outre la présentation très contestable et préjudiciable à La Monnaie de Paris qui est faite de cette séquence, votre article contient des inexactitudes. Nous n'avons pas pratiqué les 3x8 pour la production de ce lot de pièces. Contrairement à ce que vous indiquez, les pièces non validées n'ont pas été détruites. Elles sont stockées dans les conditions de sécurité requises. Enfin, vous omettez de préciser que ces pièces seront intégralement recyclées pour la production de nouvelles pièces en 2024. La Monnaie de Paris étant un organisme intégralement financé par son activité, aucun surcoût ne sera répercuté à qui que ce soit. Le prix payé par l'État pour la production de ces pièces reste exactement le même que ce qui était prévu contractuellement"

NDLR : Les 27 millions de centimes d'euros non conformes produits par la Monnaie de Paris représentaient bien 4 % de sa production de pièces en euros, comme l'a confirmé la direction du Trésor à La Lettre. La Monnaie de Paris produit également des pièces étrangères, dont La Lettre n'a pas pris en compte la production dans son calcul. Il est en revanche exact que les euros défectueux ont été stockés pour être recyclés, comme l'a précisé quelques jours plus tard à ses lecteurs La Lettre dans son article du 19 janvier 2024.

Matthieu Fauroux
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