Toujours aussi soucieuse de son image, la famille Arnault a pris ses précautions à l'approche du procès en appel de Nicolas Bazire dans l'affaire Karachi. Condamné en 2020 à cinq ans d'emprisonnement dont trois ferme, l'homme de confiance de Bernard Arnault est de nouveau jugé depuis le 3 juin pour sa participation présumée au financement occulte de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995. Nicolas Bazire voit un motif d'espoir dans la relaxe, par la Cour de justice de la République en mars 2021, de l'ancien premier ministre, dont il a été directeur de cabinet.
Mais le groupe LVMH n'a voulu prendre aucun risque réputationnel. Dès le 1er mai, un mois avant l'ouverture du procès, Nicolas Bazire a cédé à Frédéric Arnault, un des quatre fils de Bernard Arnault, son siège d'administrateur de la holding familiale, Financière Agache, qui contrôle LVMH à travers la maison mère, Christian Dior. Quelques jours plus tôt, il était déjà sorti du conseil d'administration de LVMH, dont il était membre depuis 1999. Lors de l'assemblée générale des actionnaires du géant du luxe, le 18 avril, l'ex-haut fonctionnaire avait en effet été remplacé par l'ancien patron de l'assureur Axa, Henri de Castries. Compréhensif, Nicolas Bazire s'était lui-même chargé de "briefer" son successeur.
Perte d'influence
Depuis quelques années déjà, cet ancien officier de marine passé par l'ENA et par la banque Rothschild avait été exfiltré du siège de LVMH, avenue Montaigne, à Paris. Il avait alors pris ses quartiers de l'autre côté de la rue, dans des bureaux situés au-dessus du très chic restaurant L'Avenue.
"Monsieur médias" historique de Bernard Arnault, Nicolas Bazire a aujourd'hui sensiblement perdu de son influence sur ces dossiers, au profit d'Antoine Arnault, le fils aîné en charge de l'image de LVMH, et du bras droit de ce dernier, Jean-Charles Tréhan, le directeur des relations extérieures du groupe. Antoine Arnault était par exemple en première ligne dans la gestion de la longue crise déclenchée aux Échos par la mise à l'écart du directeur de la rédaction Nicolas Barré, en mars 2023.
Épais carnet d'adresses
À bientôt 67 ans, Nicolas Bazire reste néanmoins précieux pour Bernard Arnault, qui connaît sa loyauté. Il figure d'ailleurs toujours dans l'organigramme de LVMH comme membre du comité exécutif en charge du développement et des acquisitions. Celui qui, en 2007, avait su s'appuyer sur son amitié avec le président Nicolas Sarkozy pour faciliter le rachat des Échos par le milliardaire peut encore faire valoir son épais carnet d'adresses. Sa relation directe avec le prince Albert II de Monaco et son épouse, Charlène Wittstock – régulièrement habillée par Dior –, n'est pas étrangère à sa présence au conseil d'administration de la Société des bains de mer et du cercle des étrangers de Monaco, gestionnaire des palaces et des casinos de la principauté, et dont LVMH possède 5 %.
Nicolas Bazire a par ailleurs des contacts étroits avec l'homme d'affaires Stéphane Courbit. La famille Arnault a des parts dans son groupe, FL Entertainment, propriétaire du géant de la production audiovisuelle Banijay et du leader français des paris en ligne, Betclic. Il a aussi ses entrées au sein du groupe Dassault. Tout comme auprès de la famille Gallimard, avec laquelle il a récemment renégocié le pacte d'actionnaires qui la liait à LVMH dans le groupe d'édition Madrigall, comme l'a raconté notre publication sœur Glitz.paris (Glitz du 18/04/24).
Ses émoluments chez LVMH
Si Nicolas Bazire était condamné en appel dans quelques mois, la famille Arnault veillerait à offrir une confortable porte de sortie à ce fidèle. Il était déjà jusqu'ici particulièrement bien traité par LVMH. Son départ du conseil administration ne sera pas trop douloureux puisqu'il n'a touché à ce titre "que" 26 000 € en 2023. Sa rémunération, notamment comme membre de comex, est plus généreuse : il a touché l'an dernier plus de 3,9 millions d'euros, dont 2,7 millions d'euros de bonus.
Nicolas Bazire est par ailleurs bien loti en stock-options. En 2023, il a reçu 4 951 actions de performance. À la fin de l'année, il figurait à la cinquième place au classement des administrateurs de LVMH détenant le plus d'actions à titre personnel, derrière Bernard Arnault lui-même, ses enfants Antoine et Delphine, et l'ex-numéro deux de LVMH, Antonio Belloni. Son portefeuille s'élevait alors à 83 000 titres, valorisés à près de 61 millions d'euros.