Philippe Heim, en mai 2022.
Philippe Heim, en mai 2022. © IP3 Press/MaxPPP

Les axes de développement stratégique de Philippe Heim à la tête de la Banque postale provoquent des remous. En cause, la volonté de l'ancien DG délégué de la Société générale d'accélérer le développement des activités de banque de financement et d'investissement (BFI) de cette filiale de La Poste, un marché ultra-concurrentiel où BNP Paribas et Société générale tiennent le haut du pavé.

Départ d'Olivier Lévy-Barouch

Selon nos informations, des divergences de vues avec ces choix stratégiques ont poussé Olivier Lévy-Barouch, le directeur général adjoint chargé de la finance et de la stratégie, à claquer la porte. Ce membre du comex n'est pas en phase non plus avec la politique commerciale agressive dans le crédit immobilier menée par la banque publique, en pleine remontée brutale des taux d'intérêt par les banques centrales.

Cette stratégie offensive de conquête de clients afin de capter des dépôts contraste d'ailleurs avec celle des autres banques françaises, qui ont mis la pédale douce. Signe que le divorce est consommé, Olivier Lévy-Barouch quitte ses fonctions sans même avoir trouvé, pour l'heure, de point de chute pour la rentrée.

Cet ancien de BNP Paribas et de GE Capital aura passé sept ans au sein de la Banque postale. Son départ marque la fin d'une phase intense de développement amorcée par le précédent patron, Rémy Weber. Connu pour être un "dealmaker", il a été l'artisan de la transformation de la Banque postale en acteur de la bancassurance avec l'acquisition de CNP Assurances, dont l'intégration a été finalisée en avril. Il a aussi œuvré au rachat, en début d'année, de La Financière de l'Echiquier dans la gestion d'actifs.

Si la rumeur de son départ circulait depuis le printemps, le passage à l'acte d'Olivier Lévy-Barouch est soudain. D'ailleurs, la Banque postale ne lui a pas encore trouvé de successeur.

Fortes ambitions pour la BFI

Président du directoire de la Banque postale depuis septembre 2020, Philippe Heim ne cache pas ses ambitions dans la BFI, comme en témoigne le plan stratégique qu'il avait dévoilé en mars 2021. Il affiche surtout d'ambitieux objectifs sur le marché de la dette et les financements structurés, où la filiale de La Poste veut doubler le nombre de clients et multiplier par 2,5 les flux à horizon 2025.

Pour mettre son plan à exécution, Philippe Heim, énarque et ancien directeur de cabinet de Jean-François Copé à Bercy, s'est entouré en conséquence. Son comex compte, parmi ses quinze membres, trois responsables de la BFI. A commencer par le directeur général de cette activité, Bertrand Cousin, passé par le Crédit agricole et JP Morgan, son adjoint Serge Bayard, ainsi que la directrice des marchés et des financements, Pascale Moreau, recrutée en début d'année à la Société générale.

Il pourra aussi s'appuyer sur son comité de développement, où siègent quatre responsables de la BFI : Pierre Duriez pour le développement, Laurence Goldingas pour le pilotage stratégique, Ana Catalina Macaya Vargas pour le transaction banking et Bertrand Sadorge pour les financements spécialisés.

Tout l'enjeu est désormais de développer la franchise et de faire face aux investissements, tant dans les effectifs que dans les infrastructures informatiques, dans le respect de l'impératif de rentabilité exigé par Philippe Wahl, le patron de La Poste.

Toujours plus de crédit immobilier

Car pour ce dernier, les choses sont claires : pour durer et assumer ses missions de service public, La Poste et ses filiales - en particulier la Banque postale - doivent être rentables. Nul doute que la concurrence ne leur fera pas de cadeau, notamment du côté de la Société générale, où le nouveau patron, Slawomir Krupa, avait restructuré de fond en comble les activités financement et investissement pour en redresser le retour sur fonds propres.

Du côté des activités de détail, la stratégie de Philippe Heim dans le crédit immobilier devra aussi faire la preuve de sa rentabilité. Pour gagner des clients et des parts de marché, la Banque postale n'a pas décéléré, contrairement à ses concurrents français. L'an dernier, les prêts y ont augmenté de 19,2 %, alors que le marché français a vu, dans son ensemble, la production de nouveaux crédits à l'habitat reculer de près de 4 % en 2022.

Matthieu Protard
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