Stéphane Simon et Sami Biasoni.
Stéphane Simon et Sami Biasoni. © X / S. Simon / S. Biasoni

Moins de sept mois après son lancement en fanfare par le producteur de télévision Stéphane Simon et l'essayiste et banquier Sami Biasoni, c'est dans une plus grande discrétion que Factuel est, déjà, contraint de revoir ses ambitions à la baisse. Selon nos informations, le média en ligne parrainé par Christine Kelly et Dominique Rizet, figures respectives de CNews et BFM TV, a licencié en novembre deux journalistes pour motif économique, dont le fils de Dominique Rizet. Ces limogeages viennent s'ajouter à près d'une dizaine de départs ces derniers mois, sur une vingtaine de salariés embauchés au lancement en mai. La directrice financière de Factuel a quitté le navire moins d'un mois après son recrutement. Le rédacteur en chef, Romain Renner, vient pour sa part d'annoncer son départ à ses troupes.

En interne, Stéphane Simon, qui héberge les collaborateurs de Factuel dans les bureaux de sa société de production Téléparis à Levallois-Perret, avait pourtant assuré avoir réuni suffisamment de fonds pour maintenir le média la tête hors de l'eau les deux premières années, soit jusqu'en mai 2025. Sur abonnement et sans publicité, le site d'information doit être parvenu à recruter 25 000 abonnés à cette échéance pour devenir rentable. Il n'en compte aujourd'hui que 700, représentant un très faible chiffre d'affaires : 75 000 € tout au plus. Contactés, Stéphane Simon et Sami Biasoni n'ont répondu à aucune de nos questions.

Une relative impartialité

Annoncé comme un média d'investigation dédié aux informations exclusives, Factuel a, dès les premières semaines, dû revoir son modèle au regard des très faibles audiences du site. Un fil d'actualité chaude, puis un blog y ont alors fait leur apparition. Trop coûteuses, les émissions en studio ont quant à elles été abandonnées cet été.

Avant Factuel, Stéphane Simon ne s'était pas encore essayé à la presse d'investigation. L'homme est au contraire rompu aux médias d'opinion qu'il a créés par le passé avec les journalistes Natacha Polony ou Aymeric Caron, l'avocat Gilles-William Goldnadel, ou encore le philosophe Michel Onfray (Front populaire). La promesse d'un site d'info "impartial", "sans parti pris ni militantisme", déjà fragilisée par le parrainage – perçu en interne comme encombrant – de Christine Kelly, semble cependant, elle aussi, avoir été trahie, selon les collaborateurs de Factuel contactés par La Lettre. Certains d'entre eux ont en effet vite déchanté en découvrant le profil – et les propos – très droitiers de plusieurs journalistes embauchés en provenance de Valeurs actuelles ou des médias d'État russes RT France ou Sputnik.

Malgré quelques informations exclusives et enquêtes plutôt remarquées, les sujets suggérés aux journalistes par Stéphane Simon ou par son associé, l'essayiste conservateur Sami Biasoni, laissaient, eux, souvent transparaître un certain biais, en ciblant par exemple des personnalités de gauche. Une enquête sur le conjoint de la députée écologiste Sandrine Rousseau a ainsi été fortement encouragée, en vain.

Mystère autour des actionnaires

Le secret est bien gardé par Stéphane Simon et Sami Biasoni. Sur son site, Factuel affiche "l'indépendance comme valeur cardinale" et assure ne faire l'objet d'"aucune influence extérieure grâce à l'autofinancement via les abonnements". Le média en ligne compte pourtant bien des actionnaires extérieurs aux côtés des quatre associés fondateurs (Stéphane Simon, Sami Biasoni et, avec une plus faible participation, Christine Kelly et Dominique Rizet).

Au cours de l'été, la rédaction de Factuel a assisté à la visite d'un groupe d'une dizaine de personnes, présentées comme les actionnaires ou leurs représentants. Questionné sur leur identité par certains journalistes, Stéphane Simon leur a fait comprendre que cette information ne les regardait pas.

Alexandre Berteau, Antoine Cariou
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